C’est quoi ?
Les dispositifs de formation professionnelle par alternance génèrent des moments de retour d’entreprise. Ces moments font éventuellement l’objet de regroupements en salle, ou séances de « REVE », avec un formateur ou un facilitateur, et permettent aux apprenants d’exprimer leur vécu en entreprise. Les apprenants ont vécu des expériences professionnelles nouvelles et ressentent bien souvent le besoin de les exprimer, ne serait-ce que quelques minutes, à leurs pairs. Il s’agit également d’un espace de partage d’expérience et d’échanges entre les apprenants.
Cette démarche s’inscrit dans une logique d’alternance dite « intégrative » (en opposition à l’alternance « juxtapositive »), c’est-à-dire qui crée de véritables interactions entre les deux temps ainsi qu’un travail réflexif sur l’expérience. Ces séances dites de « REVE » poursuivent donc deux objectifs. On peut choisir lors d’une séance de répondre à l’un des objectifs ou aux deux.
D’abord, les recommandations de la pédagogie de l’alternance insistent sur la nécessité, pour les formateurs, de tenir compte et d’intégrer ces « vécus » dans l’élaboration de leurs séances en adaptant le contenu de leurs cours au vécu des apprenants et à leur réalité professionnelle. En cela, la pratique de « REVE » s’inscrit dans une pédagogie inductive qui consiste à partir de la pratique des élèves (le concret) pour développer leur savoir théorique (l’abstrait).
De plus, ces temps de REVE ont une visée réflexive. Il s’agit d’amener les apprenants à observer leurs pratiques, les analyser, les confronter et à identifier les compétences acquises ou développées dans le cadre de leurs activités.
Enjeux et usages à l’origine
L’enjeu premier est de sortir du modèle prédominant d’alternance dite « juxtapositive », c’est-à-dire un modèle dans lequel les temps en centre de formation et les temps en entreprise sont cloisonnés. Il s’agit d’abord de créer ou renforcer le lien entre ces deux terrains d’apprentissage afin de créer une réelle dynamique d’apprentissage en organisant la continuité de la formation dans une discontinuité d’activités (gestion des ruptures).
Déroulement et consignes
La méthodologie de REVE comporte des étapes indispensables pour répondre à ses objectifs:
- Récupérer les expériences vécues à travers la restitution orale des alternants et la mise en commun. Cette étape pourra être structurée autour de questions sur :
- L’entreprise
- La diversité des tâches réalisées et/ou la description d’une tâche en particulier
- Les travaux réalisés en comparaison aux travaux prévus (travail prescrit ≠ travail réel)
- Ce que vous avez appris de nouveau
- Ce qui vous a surpris
- Ce qui vous a plu ou moins plu
- Ce que vous auriez voulu faire et que vous n’avez pas fait, et pourquoi ?
- Les parties des cours qui ont été mobilisées ?
- La prise de responsabilité ou d’autonomie (avec des exemples concrets)
- …
Si l’objectif s’inscrit dans une logique de pédagogie inductive: comparer les vécus afin d’extraire les éléments invariants pour aller aux lois et concepts.
Si l’objectif visé est la réflexivité : décortiquer les situations vécues pour amener les élèves à comprendre et analyser leurs pratiques et en extraire les compétences qu’ils ont développées ou acquises.
Si l’objectif s’inscrit dans une logique de pédagogie inductive :Amener les apprenants à appliquer ces nouveaux apports lors de la prochaine période en entreprise. Le formateur pourra également faire rédiger aux apprenants des fiches techniques ou des fiches outils du travail réalisé par les apprenants en entreprise. Ces fiches seront ensuite exploitées durant les séances de cours.
Si l’objectif visé est la réflexivité : Après un temps d’échanges, le formateur pourra prévoir un temps personnel de réflexion et d’écriture afin de permettre aux apprenants d’adopter une approche réflexive et de garder trace de leur pratique professionnelle, des situations rencontrées et des compétences acquises ou développées
Intérêt pédagogique
En favorisant le rapprochement des deux terrains d’apprentissage et en intégrant le vécu professionnel des apprenants dans le parcours de formation, cette méthode permet aux élèves la prise en mains de leur formation et de leurs apprentissages. Ils deviennent davantage acteur de leur formation puisque leur vécu professionnel constitue le matériau pédagogique des enseignements.
Le lien que va créer le formateur entre leurs réalités professionnelles, la théorie et les concepts, va faciliter la compréhension, l’appropriation en permettant de contextualiser et ainsi de donner du sens aux apprentissages.
Cette démarche favorise également la co-construction des savoirs entre pairs par l’intermédiaire des échanges, des partages de pratique et de la confrontation des situations vécues.
Par sa dimension réflexive, elle va également amener les apprenants à questionner leurs pratiques, développer leur capacité d’analyse, leur sens critique et prendre conscience des compétences mobilisées et donc acquises.
Enfin, le passage par l’oral puis par l’écrit va permettre aux élèves de travailler sur la prise de parole en public (communication orale) et de développer leur capacité rédactionnelle (communication écrite).
Mise en garde
Pour qu’elle fonctionne, cette méthode doit être intégrée dans un modèle pédagogique d’alternance intégrative, c’est-à-dire un modèle centré sur le vécu de l’apprenant. Aussi, cela nécessite que les enseignants soient formés à cette pédagogie, qu’ils la comprennent et se l’approprient.
Les formateurs devront également être accompagnés à la préparation (quel est mon objectif ?) et à l’animation (comment je m’y prends ?) de ces séances de REVE, afin que ces moments de retrouvailles formalisés soient autre chose qu’une « joyeuse discussion ». La relation entre le vécu dans l’entreprise et la formation « en classe » requiert des mécanismes nécessairement construits.
Pour aller plus loin (bibliographie, webographie)
Les méthodes de REVE en alternance, 2019, Le Cnam, Pôle pédagogie et digital : https://youtu.be/g4_2BACmmaI
Hélène VEYRAC, « Analyse d’une activité d’explicitation, des expériences préprofessionnelles des élèves en classe », http://www.inrp.fr/biennale/8biennale/contrib/longue/337.pdf
