C’est quoi ?
C’est une démarche globale pour concevoir des formations de manière rationnelle.
Dans la littérature des sciences de l’éducation, l’ingénierie de la formation est presque toujours définie par sa dimension méthodologique et ses étapes : de l’amont, l’étude du contexte, des besoins et demandes, à l’aval, l’évaluation, en passant par la conception et la conduite de l’action. Thierry Ardouin précise que ces méthodes sont par ailleurs croisées à des niveaux de responsabilité et de décision : celui des politiques de formation, celui de l’organisation des dispositifs, plans ou actions de formation et enfin celui de la pédagogie : « Chacun de ces niveaux de responsabilité correspond à une catégorie d’acteurs : les décideurs politiques nationaux ou régionaux, pour le niveau des politiques publiques, les membres de la direction des entreprises pour les politiques de formation, les responsables de formation et la hiérarchie intermédiaire pour le niveau organisationnel, les formateurs et “les individus” pour le dernier niveau : celui de la mise en œuvre de l’activité pédagogique dans les situations de formation » (Ardouin, 2013). Ce sont ces différents acteurs qui contribuent à la conception des ingénieries de formation.
Enjeux et usages à l’origine
G. Le Boterf fait remonter l’émergence de la notion d’ingénierie en formation aux années 60, avec la coopération entre la métropole et les anciennes colonies : le développement de grand projets industriels nécessitait la mise en place de systèmes de formation professionnelle complexes pour faire les transferts de compétences d’un pays à l’autre. Par ailleurs, « les formateurs et responsables pédagogiques venus de France étaient guidés par des principes issus de divers courants psychosociologiques et de théories de l’apprentissage plus ou moins bien intégrés et leur application s’est traduite par des pratiques dont la pertinence et l’efficacité dans le contexte culturel et socioéconomique local étaient loin d’être évidentes» explique également Pierre Hébrard. La méthodologie et les outils conceptuels de ce que l’on appelle aujourd’hui ingénierie de la formation leur faisaient largement défaut.
C’est surtout à partir des années 80 avec l’installation de la crise économique et du chômage que la notion d’Ingénierie de formation s’est installée pour accompagner les politiques publiques et les entreprises dans leur gestion des ressources humaines. L’ingénierie de la formation visait à mettre en place des dispositifs ou des plans de formation pour maintenir ou renforcer l’employabilité des salariés ou des demandeurs d’emploi, et pour favoriser la performance des entreprises et des organisations. On parle davantage aujourd’hui d’ingénierie des compétences. La formation vise à réduire les écarts entre les besoins en compétences détenues par les salariés et les besoins des entreprises ou des organisations.
Déroulement
La plupart des manuels de sciences de l’éducation, comme par exemple ceux de T. Ardouin ou C. Parmentier, identifie 4 grandes étapes dans une ingénierie de formation :
- L’analyse : il s’agit d’analyser les besoins en formation dans leur contexte. L’enjeu principal consiste à faire émerger une demande bien définie. L’analyse des besoins en formation résulte d’un questionnement et d’un recueil d’information.
- La conception : dans cette seconde étape, le responsable formation va concevoir et formaliser le projet de formation. Sa mission sera de sélectionner les dispositifs appropriés et la création des actions de formation. Pour cela, il va s’appuyer sur des outils comme le cahier des charges.
- La réalisation : il reviendra au responsable formation d’animer et de piloter le plan de formation via des outils de gestion et de pilotage (tableau de bord). Il sera en charge du suivi des actions et des dispositifs de formation. Ce dernier pilote le budget formation ainsi que l’intégralité des dépenses.
- L’évaluation : il s’agira d’évaluer les actions de formation et d’une manière générale, la politique formation de l’entreprise. Cela intègre la satisfaction des actions conduites, les acquis pédagogiques, les compétences acquises et transférées en situation de travail, les résultats pour l’entreprise.
Consignes
Sans reprendre l’intégralité d’un déroulé de conception d’une ingénierie de formation, on peut présenter ici quelques questions utiles à se poser à chacune des étapes de l’ingénierie de formation.
Analyser la demande
Quel est le contexte dans lequel va se faire la formation ? (Entreprise, stratégie, problématiques…)
Quel est le projet à développer, la difficulté rencontrée ?
Qui est le public concerné par la formation ?
Combien sont-ils ?
Quelles sont les compétences visées ?
Comment pourra-t-on définir que la nouvelle situation a été atteinte ?
Quelles sont les contraintes (budgétaires, temporelles,…) ?
Concevoir la formation
Quels sont les objectifs de la formation ?
Quels sont les apports pédagogiques qui doivent être faits ?
Quelle démarche pédagogique mettre en œuvre : Foad ou présentiel ? Seul ou en collectif ? En salle ou en situation de travail ?
Quels sont les prérequis nécessaires pour suivre les actions de formation ?
Quel doit être le timing de la formation ? Quelle durée ? Quelle fréquence ?
Quels support faut-il mettre en œuvre ?
Quelle évaluation mettre en œuvre ?
Quel doit être le profil des formateurs ?
Faut-il faire la formation en interne ou en recourir à un prestataire externe ?
Réaliser le projet de formation
Comment piloter le projet ?
Quel outil de pilotage et de suivi mettre en œuvre ?
Quelle communication autour du projet ?
Evaluer les formations
Quelle est la satisfaction de l’apprenant de la formation ?
Quelles sont les difficultés qu’il a rencontrées ?
Quels sont les apprentissages réalisés par les apprenants ?
Comment ces apprentissages sont-ils mis en œuvre dans le travail ?
Quels sont les impacts sur l’activité et la performance de l’entreprise ?
Quel est le rapport apprentissage/coût de la formation ?
Exemple
Ci- après un exemple est extrait d’une offre d’accompagnement à la digitalisation de la formation dans une compagnie d’assurance. L’objectif est d’identifier les valeurs ajoutées de l’intégration du numérique en formation, les facteurs de réussite, les freins à la mise en œuvre d’un tel projet et les éléments constitutifs d’un plan d’action.
La démarche du Cnam consiste à proposer un diagnostic à 360 degrés : il s’agit de s’intéresser à la culture de la formation et du numérique de l’entreprise, aux facteurs socioculturels en termes de rapport au savoir et au numérique des salariés (dimension essentielle dans la mise en exergue de facteurs implicites en termes de freins ou d’atouts dans la mise en œuvre d’un tel projet), aux modes de management et d’organisation du travail pour envisager différentes modalités de production de savoirs collectifs, aux espaces-temps pour la formation, au système d’information.
Pour la conduite de ce 360°, le Cnam met à disposition de l’entreprise, ses compétences en matière de conduite de projets de digitalisation de la formation dans les entreprises, d’ingénierie de formation, d’informatique et de sociologie des usages du numérique.
Concevoir une ingénierie de formation prend du temps, mais c’est une étape indispensable pour développer des formations de qualité. Même si la formation s’oriente de plus en plus vers un apprentissage en situation de travail, il faudra toujours l’organiser, en évaluer les conditions de réaliser et les effets.
Pour aller plus loin :
Thierry Ardouin, Ingénierie de formation, Dunod, 2013
Christophe Parmentier, Ingénierie de formation, Eyrolles, 2008
Guy Le Boterf, L’ingénierie des compétences, Ed. d’organisation, 1999.
Pierre Hébrard, « L’ingénierie de formation, ce qui en relève, ce qui en échappe », TransFormations n°5/2011 – p. 109/p. 119.
En complément : les 4 étapes du plan de formation, en vidéo
https://slideplayer.fr/slide/2311459/
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