Le Cnam Pays de la Loire dispense des formations de formateurs pour des formateurs internes d’entreprises. Dans le cadre d’une formation de 2 jours sur le thème « réaliser une capsule e-learning », une expérimentation a été menée visant à introduire une démarche de reconnaissance de compétences acquises au cours du parcours, en s’appuyant sur la délivrance d’open badges numériques. Ces badges, obtenus suite à des activités pédagogiques impliquant les apprenants en pédagogie active, ont été délivrés aux participants en fin de formation. Voici un premier retour d’expérience.
C’est quoi un open badge numérique ?
Les badges sont conçus dès leur origine en 2010 au service de la reconnaissance d’une personne, pour rendre visible ses apprentissages informels, ses compétences non académiques, ses savoir-être, réalisations, engagements, valeurs, aspirations, découvertes …
Ils se présentent sous la forme d’une image numérique cliquable, dans laquelle sont enregistrées des informations (méta-données) relatives à « qui délivre le badge », « qui en est le bénéficiaire », « ce que le badge atteste », « quels critères pour l’obtenir », « quels apports de preuves », « la date de délivrance ». Le détenteur du badge peut ensuite, selon son choix, le diffuser par e-mail, le mettre sur son CV, le poster sur les réseaux sociaux… pour rendre plus visibles ses compétences.
Pourquoi intégrer des badges de reconnaissance dans une formation courte qualifiante ?
L’expérimentation a porté sur un public de formateurs occasionnels, experts métiers, dont la formation est une mission connexe à leur activité principale professionnelle. Ils n’ont donc pas de diplôme de formateur d’adultes. Les participants à une formation courte et qualifiante de ce type, se voient habituellement délivrer en fin de formation une « simple » attestation de suivi de formation. Celle-ci ne met pas en avant les connaissances et les compétences acquises lors des mises en situation en formation ou sur le terrain en inter-séances. Dès lors, il devient intéressant d’introduire les open badges pour reconnaitre et rendre visibles les acquis.
Sur quels badges, et donc sur quelles compétences portait l’expérimentation ?
Il existe plusieurs types de badges : badge d’engagement, badge de découverte, badge communautaire, badge de compétences… Ils sont délivrés par des organisations ou par les individus eux-mêmes (Selfie badge). Notre expérimentation a porté sur des badges de compétences, créés et délivrés par le Cnam Pays de la Loire, dans le cadre d’une formation de formateurs. La formation portant sur la conception d’une capsule e-learning, deux badges ont été construits et proposés : « je sais formuler un objectif pédagogique » et « je conçois des activités pédagogiques intégrant le numérique ».
Comment s’est déroulée cette expérimentation ?
En introduction de la formation, une vidéo explicative a été présentée aux participants. Puis, le formateur a complété avec les intérêts de la démarche et la présentation détaillée des deux badges concernés. Cette étape est importante, car au final dans notre expérimentation, ce sera aux apprenants de procéder, ou non, à l’acceptation des badges qui leur seront délivrés. Leur adhésion est donc primordiale. A la fin des 2 jours de formation, le formateur a informé les participants qu’ils allaient recevoir deux e-mails contenant les informations d’accès aux badges, avec la possibilité de les accepter, afin de les « recevoir », pour ensuite les valoriser de différentes façons via un CV, en intégrant le lien d’accès au badge, ou via les réseaux sociaux notamment LinkedIn.
Plus précisément, quel a été le processus formatif lié à la délivrance des badges ?
Outre la valorisation des compétences, ce qui est intéressant dans la démarche d’open badge, ce n’est pas tant le badge lui-même que la démarche réflexive sous-tendue par le badge et son processus de reconnaissance. En effet, l’apprenant est amené à réfléchir sur ce qu’implique l’obtention de ce badge en termes de connaissances et de compétences à acquérir, puisque, dans le cas de notre expérimentation, c’est lui qui va accepter ou non le badge en fin de formation. En termes de preuves à apporter, au cours des activités pédagogiques en séance, l’apprenant a produit des livrables argumentés qui sont présentés au groupe pour évaluation formative collective avec apports du formateur. Un ajustement de la production est ensuite faite par l’apprenant suite à ce temps d’échanges entre pairs. L’idéal, quand cela est possible, est d’expérimenter en inter-séances en situation de travail réelle, ce qui a été produit (dans notre cas, s’agissant de formateurs-stagiaires, il s’agit par exemple d’expérimenter auprès d’apprenants une capsule e-learning conçue ainsi que son animation), et d’en faire le retour d’expérience au groupe lors de la séance suivante.
La preuve qui déclenchera la délivrance du badge par le formateur, est la production ajustée et l’argumentation des choix opérés. C’est donc ce processus formatif, accompagné par le formateur et les pairs, qui engage l’apprenant à raisonner sur son activité. L’apprenant pourra, après acceptation de son badge, y inclure la preuve (dans notre cas, exemple de scénario de capsules avec argumentation des choix pédagogiques).
Un badge peut être endossé. Cela participe du processus de reconnaissance. Ça veut dire quoi et qui peut l’endosser ?
Suite à l’obtention du badge, ce dernier peut être « endossé » par d’autres personnes qui viennent attester de l’observation effective de la compétence mise en œuvre par le détenteur du badge. Dans le cas d’un formateur nouvellement formé, ça peut être le formateur qui l’a formé, ses futurs stagiaires qui bénéficieront de ses capsules e-learning, des collègues formateurs qui reconnaissent sa pratique, le manageur, l’employeur … Ces endossements participent du processus de reconnaissance et ces savoirs et compétences pourront être valorisés au cours du parcours professionnel.
Tous les apprenants ont-ils demandé leurs badges en fin de formation ?
Les participants ont tout de suite fait le lien avec les compétences sur LinkedIn et ont trouvé la démarche intéressante. Cependant, l’acceptation de ces badges, suite à l’e-mail envoyé, ne s’est pas faite à 100%. Ce n’est pas complètement surprenant, s’agissant de formateurs occasionnels, en poste, et dont le métier principal n’est pas la formation. Nous avons cherché à savoir pourquoi en les questionnant post-formation, mais nous n’avons pas encore de réponses à ce jour. Une explication pourrait-être liée au sentiment de devoir être plus expérimenté avant de procéder à la demande de badge. Mais ce n’est qu’une supposition à laquelle nous aimerions croire (rire). Peut-être ont-ils simplement oubliés de faire la démarche.
Quelles sont les pistes d’amélioration ?
Pour l’instant nous sommes en expérimentation et avons peu de recul à ce sujet mais nous avons noté trois pistes d’amélioration.
Une première piste d’amélioration concerne le démarrage de la formation. Ce serait de présenter la démarche d’open badge après avoir fait l’activité brise-glace et non avant. Cela pourrait permettre de libérer la parole et d’échanger davantage avec l’ensemble du groupe sur la démarche de reconnaissance par Open Badges intégrée à leur parcours, afin d’en comprendre les intérêts et ainsi faciliter l’acception des deux badges proposés.
Une deuxième piste d’amélioration se situerait au niveau de l’envoi des badges. Il serait peut-être préférable de les envoyer à chaud en fin de formation (le dernier jour de la formation), afin de provoquer une « récompense » immédiate.
La troisième piste consisterait, non pas à délivrer le badge, mais à demander aux apprenants de procéder eux-mêmes à la demande de leurs badges, avec apport de la preuve (fichier descriptif joint) via un formulaire de demande de badge. Ce qui suppose une implication plus forte de la part de l’apprenant, partie prenante de son évaluation, et une motivation à obtenir ces badges pour être reconnue dans sa montée en compétences.
Il faut noter que nous ne sommes qu’au début de la réflexion sur les open badges. D’ailleurs, d’autres centres Cnam expérimentent actuellement cette démarche de reconnaissance par Open Badges. Il sera intéressant de partager les retours via le Living Lab Sofa du Cnam.
Pour terminer, la démarche de reconnaissance par open badge est-elle connue du secteur de la formation et des entreprises ?
Même si l’avènement de la reconnaissance par Open badge ne date pas d’aujourd’hui, en France, son intégration dans le secteur de la formation se fait à petit pas. Il s’agit d’une démarche à laquelle il faut sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés par une formation, afin de les acculturer et de leur permettre d’identifier les plus-values pour le public concerné.
Le contexte est en tout cas favorable pour son développement. De nombreux acteurs s’en emparent, collectifs dans toutes les régions et adhérant à l’association Reconnaitre, enseignements supérieurs, Pôle emploi, Régions, l’Europe… et de multiples expérimentations voient le jour. C’est un sujet passionnant. Nous en reparlerons.
Bravo pour vos expérimentations « variées » intra CNAM PDL 😉 Et merci pour le partage de celles-ci, dans le cadre du collectif Badgeons Les Pays de la Loire ! D’autres expérimentations existent en région dans le domaine de la formation et/ou de l’accompagnement professionnel.le, VAE, IAE… Cf. Activateur de Potentiels « Vendée » notamment, pour des publics « peu ou pas qualifiés », peu ou pas encore reconnus par les diplômes ou certifications… Avec la Reconnaissance ouverte et les outils associés que sont les Open Badge, nous pouvons ainsi « tous reconnaitre et être reconnus » !