C’est quoi ?
Le concept de tâtonnement expérimental a été créé par Célestin Freinet, qui prône l’apprentissage par l’expérience, dès le plus jeune âge. En effet, il a observé que face à une tâche donnée, l’enfant procédera progressivement et apprendra en tâtonnant, à force d’essais et d’erreurs.
C’est donc le fait d’apprendre en faisant, autrement dit l’apprentissage par l’action. Pour Freinet, le savoir naît de l’action. Pour apprendre à faire du vélo, il faut monter dessus. Inutile de suivre de longs cours théoriques sur le maniement du guidon par exemple. Pour Freinet, il en va de même pour tous les apprentissages : on apprend à écrire en écrivant, c’est en forgeant qu’on devient forgeron…
Enjeux et usages à l’origine
Célestin Freinet était instituteur. Blessé au poumon lors de la première guerre mondiale, il éprouvait des difficultés pour s’exprimer. Il a donc été poussé à rechercher une autre méthode éducative, où les élèves seraient plus actifs et où la place du maître serait moins centrale. Partant du constat que l’enfant apprend essentiellement en procédant par essais erreurs et désireux de sortir du schéma classique d’enseignement fondé sur le rapport hiérarchique entre le maitre et les élèves, il a créé la pédagogie du tâtonnement expérimental.
Usages pédagogiques
La pédagogie de Freinet se caractérise par l’instauration d’un environnement de travail propice, c’est-à-dire un environnement coopératif (en petits groupes d’élèves de différents niveaux), encourageant le travail entre pairs (les élèves se corrigent entre eux et modèrent eux-mêmes leurs débats) et autour de projets tournés vers le monde qui les entoure (pour les ouvrir vers le monde). Il se caractérise également par l’apprentissage de la confiance en soi, par la valorisation du travail réussi et la reprise par l’enseignant de ce qui peut être amélioré.
Pour favoriser l’apprentissage par tâtonnement expérimental, les temps de formation expérientielle doivent être intégrés dans l’architecture pédagogique des formations. Il s’agira de sortir du modèle classique de transmission de connaissances par l’enseignant de manière descendante et unilatérale pour s’orienter vers des méthodes pédagogiques dites actives, en concevant les formations autour de situations-problèmes à résoudre (problem-based learning).
Déroulement, consignes, exemples
La démarche de tâtonnement expérimental s’apparente à celle du chercheur (Marc Dennery, 2014) :
Phase 1- Hypothèse : Face à une situation-problème, l’apprenant émet des hypothèses d’action.
Phase 2- Action/essai : Il agit pour tester son hypothèse. Il peut agir au hasard ou faire appel à des expériences antérieures. Il s’agira alors d’un transfert pédagogique.
Phase 3 – Feed back/évaluation : En retour il obtient un feed back sur la validité de son hypothèse.
Phase 4- Répétition : Enfin, si l’essai est positif, il peut renouveler l’expérience en vue d’ancrer l’apprentissage.
Phase 4bis- Nouvelle hypothèse : A l’inverse, s’il est négatif, il peut repartir pour un nouveau cycle d’expérience tâtonnée.
L’efficacité de l’apprentissage par essais erreurs vient du fait que l’action est conscientisée et répétée. En d’autres termes, les trois premières phases ne suffisent pas à elles seules à l’apprentissage et à l’acquisition de compétences. C’est en répétant le geste que l’apprenant va affiner sa technique, sa méthode, sa façon de faire et ancrer son apprentissage.
Intérêt pédagogique
Pour Freinet, il s’agit de laisser les enfants émettre leurs propres hypothèses, faire leurs propres découvertes, éventuellement constater et admettre leurs échecs mais aussi parvenir à de belles réussites dont ils peuvent se sentir les vrais auteurs, écrit-il dans ses Œuvres pédagogiques (éd. Seuil). Les résultats ? Une motivation très forte, une implication immédiate de chaque enfant, qui acquiert ainsi confiance en lui et en ses possibilités de progresser par lui-même. L’intérêt réside aussi dans le fait qu’il est inutile d’apprendre par cœur quelque chose que l’on a découvert par le tâtonnement expérimental : on s’en souvient sans effort.
Mise en garde
Même si le rôle de l’enseignant est différent dans l’approche par le tâtonnement, il n’en est pas moins fondamental. L’enseignant doit intervenir à toutes les étapes du cycle d’apprentissage : choix des temps de tâtonnement expérimental et des situations, accompagnement à la production d’hypothèses, sécurisation des tests, aide à l’auto-évaluation et encouragements.
Parallèlement il revient à l’enseignant de développer la curiosité intellectuelle des apprenants en les incitant à faire autrement ce qu’ils font (mal et même déjà bien) et de leur donner confiance pour qu’ils osent essayer sans avoir peur de se tromper en valorisant le travail réussi (même minime!) et en reprenant sur ce qui peut être amélioré.
Il est donc primordial que l’enseignant/formateur soit formé à la démarche du tâtonnement expérimental afin qu’il puisse être mis en œuvre de manière efficace.
Pour aller plus loin (bibliographie, webographie)
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/
Le grands penseurs de l’éducation, Editions Sciences humaines, 2018
Olivier REBOUL, Qu’est-ce qu’apprendre ?, Presses universitaires de France, 2016
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