L’évaluation par les pairs, une façon de rendre les élèves acteurs

9h05, le 17 février 2022, salle 129 du Cnam de Nantes, le soleil se lève à peine…
Et pourtant les apprenants de la licence Gestion des Organisations sont très agités. Ils sont stressés avant leur soutenance orale portant sur l’UE DSY006 « démarches et outils de l’organisateur ». Le premier groupe se bat avec le vidéo projecteur récalcitrant. La consigne de l’examen est claire : convaincre un Comité de Direction du bienfondé de leur projet de changement organisationnel. Le jury, composé de deux enseignants, est déjà installé et jouera le rôle de ce Codir.
L’histoire pourrait s’arrêter là, avec un mode d’évaluation classique par le jury.
Mais Caroline Rymer, qui dispense cette unité d’enseignement, a choisi d’enrichir le dispositif d’une évaluation par les pairs. Les enseignants ne seront pas les seuls à porter un jugement critique sur les travaux soutenus. Chaque groupe d’apprenants donnera également une note sur les soutenances des autres groupes. La moyenne de ces notes vaudra pour 50% de la note finale orale, équivalente à celle du jury.
La grille d’évaluation est la même pour les apprenants et les enseignants. Elle s’appuie sur des critères tels que la qualité du diagnostic posé, la capacité de problématisation, d’analyse et de préconisations concernant le projet, la clarté du support, la mobilisation de méthodes digitales dans la présentation et l’interactivité avec le groupe.
Si le jury trouve facilement un accord sur les notes et le feed back à apporter aux impétrants, il n’en est pas forcément de même des apprenants. Ils disposent de 10 minutes à la fin de chaque soutenance pour se mettre d’accord sur une note et les observations.

Constate-t-on un écart entre l’évaluation des enseignants et celles des apprenants ?
De manière générale, se pose la question de la validité et de la fiabilité des évaluations réalisées par des pairs. Quelle valeur leur apporter ? Quelle est la qualité des rétroactions ?
Tout dépend de la capacité du formateur à créer des critères d’évaluation clairs, précis et partagés avec le groupe d’apprenants. Il faut que les consignes soient claires. C’était le cas lors de cette soutenance orale.
Les élèves ont été plus généreux que les enseignants. Dans 4 cas sur 6. Ils ont mis la même note une fois et une note légèrement inférieure une fois.

Groupe Moyenne des notes des apprenants Moyenne des notes des enseignants Ecart
1 15,5 14 + 1,5
2 12,5 13 – 0,5
3 15,5 12,5 + 3
4 14 10,5 + 3,5
5 17 16 + 1
6 15 15 = 0

Les contenus des commentaires diffèrent d’un groupe à l’autre. Certains ont vraiment rédigé des observations approfondies (comme en atteste l’exemple ci-après). D’autres ont été plus brefs. Les apprenants disposaient de peu de temps pour se mettre d’accord et rédiger leurs observations. A l’image des notes, les commentaires sont plutôt enthousiastes et favorables. Dans l’exemple qui suit, on constate un véritable effort d’objectivation de ce qui a été proposé dans la soutenance des autres apprenants.

Ce travail d’objectivation et de réflexivité est formateur dans la mesure où il renforce la compréhension du travail attendu : les apprenants peuvent à cette occasion réinterroger leur propre travail et s’auto-évaluer également.

Quels sont les intérêts de ce dispositif ?
Les plus-values de l’évaluation par les pairs sont à la fois pédagogiques, cognitifs et sociaux pour les apprenants. Cela permet d’abord aux apprenants de s’approprier le cours en faisant bien le lien entre la théorie et les pratiques professionnelles en entreprise. Ensuite, leur apprendre à porter un regard critique sur un travail en les impliquant tout au long de la soutenance car ils ont souvent tendance à décrocher pendant les soutenances de leurs collègues. C’est une situation apprenante tant pour l’évaluateur que pour l’évalué. L’évaluateur apprend à évaluer le travail de l’un de ses pairs, il développe ses capacités à se poser et formuler de bonnes questions. Enfin, l’évalué, suite à son évaluation par l’un de ses pairs pourra, comme pour toute évaluation, se remettre en question.

Quelles sont les points de vigilance à prendre en compte ?
L’évaluation par les pairs ne doit pas constituer à décharger l’enseignant de son travail d’évaluation, ni à mettre l’apprenant dans une position délicate par rapport à ses camarades.  Ce qui importe est la qualité des critères d’évaluation, le fait qu’ils soient partagés par les apprenants. Cela nécessite de bien mesurer le temps de travail dédié à cette activité. Une remédiation pédagogique peut être mise en place à la fin de cette activité pour en donner du sens et favoriser la réflexivité. Au final, l’évaluation par les pairs constitue un mode d’apprentissage tout à fait opérant et mérite d’être plus souvent mise en œuvre.

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