C’est quoi ?
Un serious game ou jeu sérieux en français est un jeu dont la finalité n’est pas le simple divertissement. Il a des visées d’information, de marketing, de formation et utilise des ressorts ludiques.
Alvarez et D. Djaouti le définissent en tant « qu’application informatique dont l’intention initiale est de combiner, avec cohérence, à la fois des aspects sérieux (serious) avec des ressorts ludiques inscrits dans un scénario dont la technique et la méthodologie sont issues des jeux de rôle, de simulation informatique et des jeux vidéo (game). L’objectif n’est donc pas le seul divertissement et les secteurs d’application, de manière non exhaustive, sont tels que l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore l’information » (Introduction au serious game, j. Alvarez & D. Djaouti, 2010). Ils ne passent pas nécessairement par des applications informatiques, ils peuvent aussi s’appuyer sur d’autres supports et intègrent des jeux de plateau, des jeux de rôles, des jeux de cartes…
Ces auteurs distinguent cinq types de jeux sérieux : les advergaming (jeux publicitaires), les edutainment (à vocation éducative), les edumarket games (utilisés pour la communication d’entreprise), les jeux engagés (ou détournés) et les jeux d’entraînement et de simulation.
Nous nous concentrons ici sur les jeux sérieux ayant une visée éducative.
Enjeux et usages à l’origine
A l’origine, les jeux sérieux se sont développés dans le domaine militaire avec notamment des jeux de simulation (jeu de guerre pour développer la tactique des cadres). Ils ont été utilisés à partir des années 1970 par les entreprises pour informer leurs salariés ou pour diffuser et commercialiser des produits. Ils se sont développés avec le déploiement de l’informatique et de l’interactivité. Ils peuvent s’appliquer à une multiplicité de secteurs : éducation, santé, publicité, communication, politique… En formation, ils répondent aux attentes des enseignants et des apprenants de diversifier les manières d’apprendre, et en l’occurrence d’« apprendre en s’amusant ».
Usages pédagogiques
Les usages des serious game sont divers. Ils sont particulièrement pertinents pour aborder les questions comportementales ou des situations pratiques à risque (par simulation). L’immersion dans le jeu vidéo permet en effet de simuler des situations difficiles à reproduire dans la réalité et lève les craintes liées à la prise de risque. Dans tous les cas, le serious game prend toutefois toute sa dimension pédagogique lorsqu’il est combiné à un dispositif de formation plus global.
Déroulement, consignes, exemples
Si l’on prend l’exemple des serious game de la série SecretCAM, développés par le Cnam, on aura un usage intégré dans un dispositif de formation plus large. Une fois les objectifs pédagogiques énoncés et partagés, on pourra organiser trois activités de formation :
- Une première phase de jeu : les apprenants sont d’abord invités à vivre individuellement ou collectivement une expérience commune de jeu. Outre une fonction de brise-glace, ce jeu déclenche progressivement une prise de conscience individuelle et collective par effet miroir et libère la parole sous couvert des personnages du jeu lors des activités suivantes.
- Un débrief en sous-groupe pour confronter les représentations : les apprenants se retrouvent en petit groupes de 6 à 8 personnes pour confronter leurs pratiques et représentations à partir de questions issues du jeu. C’est l’occasion d’ancrer la thématique dans leur situation de travail.
- Enfin les apprenants se retrouvent en grand groupe pour présenter leur réflexion et échanger avec des experts de la thématique qui vont apporter des savoirs théoriques et pratiques sur la question.
Intérêt pédagogique
Le serious game renforce la motivation de l’apprenant. En ajoutant des défis, des récompenses, des félicitations fréquentes…, on accroît l’intérêt des apprenants. Le jeu permet également d’associer chez les apprenants les apprentissages avec des émotions, au travers d’un scénario favorisant l’engagement. On trouvera ici le témoignage de F. Calvez, directeur du Pôle Pédagogie et digital du Cnam Pays de la Loire sur l’intérêt du recours à la vidéo et aux émotions dans les serious game.
Selon D. Djaouti, un autre avantage des jeux sérieux est « la mise à disposition de l’apprenant d’un espace d’expérimentation dans lequel il est invité à exercer ses capacités à réfléchir. La plupart des jeux sérieux s’appuient sur un mode d’apprentissage par essais et erreurs : l’apprenant construit mentalement une « hypothèse » avant de la tester dans le jeu. Il a alors un retour positif ou négatif. Il doit donc affiner son hypothèse jusqu’à trouver la solution qui lui permet de « gagner ». Un bon jeu sérieux doit proposer au joueur des informations pour l’aider à construire lui-même une hypothèse juste (Sanchez, 2011) ».
Selon l’auteur, le recours au jeu sérieux peut aussi aider l’enseignant à prendre en compte les différences de rythme d’apprentissage entre apprenants d’un même groupe, car chaque élève peut progresser dans le jeu à son rythme. « Celui qui a besoin de recommencer 15 fois une séquence avant de comprendre la solution pourra le faire sans crainte d’être jugé négativement par ses pairs, tandis qu’un élève qui réussit au bout de seulement deux essais ne sera plus frustré d’avoir à attendre ses camarades ».
Enfin, certains jeux sérieux permettent de stimuler des interactions pédagogiques entre apprenants, à l’image de certains jeux multijoueurs facilitant la mise en place de « Zone Proximales de Développement » (Vygotski, 1985).
On trouvera une illustration de ces intérêts ici.
Mise en garde
Le jeu n’est pas un outil magique, pouvant se suffire à lui-même. Son usage nécessite la médiation d’un enseignant. Comme le note encore D. Djaouti, « le jeu sérieux est un outil supplémentaire dans la trousse de l’enseignant ou du formateur ». Il peut constituer une autre manière d’apprendre, d’acquérir des connaissances ou des compétences. Pour que son utilisation soit efficace, il faut qu’il réponde aux objectifs de formation et qu’il soit intégré dans une séquence de formation plus globale animée par l’enseignant. D. Djaouti cite des expérimentations menées par Habgood (2007) qui montrent qu’un même jeu sérieux s’avère bien plus efficace pour l’acquisition de connaissances si l’enseignant prend la peine, après la séance de jeu, de faire un « débriefing » collectif avec ses étudiants.
Freins à l’usage
Les freins peuvent être logistiques. Le recours à des jeux reposant sur une application informatique suppose souvent un accès à des ordinateurs et à internet.
Et demain ? évolution et prospectives
Le terme de « jeu sérieux » pourrait donc dans les années à venir englober à nouveau dans sa définition les jeux qui ne sont pas nécessairement en lien avec des supports électroniques et informatiques. Mais les serious game pourraient aussi intégrer davantage les possibilités de l’intelligence artificielle en prenant davantage en compte les choix des apprenants pour adapter et différencier leur parcours d’apprentissage…
Pour aller plus loin (bibliographie, webographie)
Alvarez J., Djaouti D., Rampnoux O. (2016), Apprendre avec les Serious Games. Poitiers: Réseau Canopé.
Alvarez J., Djaouti D. (2010), Introduction au Serious game. Paris: Questions théoriques.
Calvez F. (2015) « Serious game et environnement d’apprentissage non formel en entreprise : quels effets du jeu sur les salariés ? Retour d’expérience sur l’analyse des effets du jeu SecretCAM handicap », colloque e-formation.
Djaouti D. (2016), http://www.sup-numerique.gouv.fr/cid101595/jeux-serieux-avantages-et-limites.html
Djaouti D. (2016), Serious games pour l’éducation : utiliser, créer, faire créer ?, https://journals.openedition.org/trema/3386
Djaouti D., (2011), Serious Game Design – Considérations théoriques et techniques sur la création de jeux vidéo à vocation utilitaire (Thèse de doctorat). Toulouse, France: Université de Toulouse.
Sanchez E. (2011), Usage d’un jeu sérieux dans l’enseignement secondaire. Modélisation comportementale et épistémique de l’apprenant. Revue d’Intelligence Artificielle, 25(2), pp.203-222.
Vygotski L. (1985), Pensée et Langage (1er ed.). Paris, France, Editions Sociales.
« Revenir a l'index du Glossaire