Communauté de pratiques

ByEric Wahl

7 février 2024
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C’est quoi ?

Dans la littérature scientifique, (Cristol 2017) (Cohendet, Créplet, et Dupouët 2003), une définition de « la communauté de pratique » semble faire référence, celle de Wenger et al, 2002 :

« Les communautés de pratique sont des groupes d’individus qui partagent un enjeu ou une passion pour quelque chose qu’ils font et apprennent à mieux faire en interagissant régulièrement. Elles se reconnaissent par trois dimensions : engagement mutuel, entreprise conjointe, répertoire commun. Pour devenir un membre même périphérique, il s’agit de réaliser des apprentissages à propos de chacune de ces dimensions. La participation et la réification sont deux processus fondamentaux de la constitution d’une communauté et de sa dynamique. »

Les individus dans la communauté de pratiques sont ainsi dans un processus participatif qui va transformer l’ensemble des informations en connaissance.

Pour Cristol, citant Chanier, ce qui caractérise la communauté de pratique, c’est la persistance d’un réseau social d’individus actifs.

Les communautés de pratiques sont des organisations dites « autonomes » On peut ainsi les différencier des communautés de travail dites hiérarchiques comme les groupes projets par exemple dans les entreprises.

Ces communautés autonomes se constituent autour d’un ensemble de règles ou « code de conduite » fondé par elles-mêmes et se caractérisent par le partage d’un objectif commun de création de connaissances.

Soit cette création de connaissance est une finalité placée au-dessus des membres de la communauté. On parle alors de communauté épistémique, comme Wikipédia.

Soit cette création de connaissance est centrée sur l’échange et le développement des compétences individuelles de chaque membre. On parle ici de communauté de pratiques, comme les forums de cuisine, de développeurs etc…

Enjeux à l’origine

La question du groupe et de la communauté a toujours existé. Mais on peut réellement parler de communautés autonomes (avec un objectif de création de connaissances) à partir du XVIIIe siècle. D’ailleurs si wikipédia est la plus connue des communautés autonomes, la première communauté épistémique serait celle de Diderot et D’Alembert avec la création de « l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » édité en 1751 qui a fait appel à plus de 200 collaborateurs.

Le XIXe siècle est l’époque des « cercles » : cercles poétiques, littéraires, scientifiques, philosophiques, scouts… Une époque d’inclusion sociale avec les premières communautés utopiques et sociales, où l’on apprend ensemble pour justement faire communauté.

Si les cercles existent toujours, le XXe siècle et les années post guerre seront le temps des groupes pour la performance sociale : groupes d’échange et de rencontre (dans la santé) et de la performance économique : le compagnonnage.

Usages pédagogiques

Aujourd’hui avec l’avènement du numérique, la question des communautés devient un véritable enjeu, notamment dans le champ de l’éducation et de la formation. Ces communautés (en réseau, virtuelle, apprenante etc.) centrées sur le savoir proposent de nouvelles formes d’apprentissages.

« Les communautés d’apprentissage sont des groupes d’apprenants qui partagent formellement ou informellement, en présence ou à distance l’intention d’apprendre ensemble. » (Cristol 2017)

Pour Cristol, « l’apprendre ensemble » est interrogé par les possibilités d’Internet. Ce qui finit par avoir de la valeur semble moins l’information en tant que telle que la capacité des membres d’un collectif à produire de nouveaux savoirs, à apprendre les uns des autres, à apprendre les uns avec les autres. Il s’agit donc d’apprendre à collaborer.

Ces nouvelles manières d’apprendre s’expérimentent formellement et informellement. Elles s’inscrivent dans une perspective plus large de « social learning », expression générique assemblant trois courants :

Mise en garde dans les conditions d’émergence d’une communauté d’apprentissage

Pour qu’il y ait communauté d’apprentissage, et pas seulement collection d’individus, réseau, groupe éphémère ou foule, plusieurs conditions sont requises. La référence à l’apprentissage au sein d’une communauté suppose des conditions particulières, pour être distinguée de nombreuses façons d’apprendre ensemble. Selon Bielaczyc et Collins (1999), 8 dimensions doivent être présentes : (« Communauté d’apprentissage » 2018)

  1. Un but commun de la communauté.
  2. Des activités d’apprentissage partagées, significatives et visibles.
  3. Un animateur pour faire perdurer les dynamiques collaboratives.
  4. Des changements de rôles des participants selon leurs connaissances et habiletés, chaque participant étant occasionnellement porteur ou demandeur de ressource.
  5. Les ressources : les membres eux-mêmes et la collectivité.
  6. Un langage commun co-élaboré au fur et à mesure des interactions entre les membres.
  7. Le consensus autour du savoir par approfondissement des idées.
  8. La production par les apprenants de leurs propres objets et idées.

La constitution d’une communauté de pratique et encore plus d’une communauté d’apprentissage en formation ne se décrète pas. Si les objectifs, les références et concepts clés peuvent se définir rapidement, la culture commune et l’autorégulation du groupe peuvent mettre des mois à se mettre en place pour enfin faire communauté.

Selon Cristol, il existe une échelle du temps dans la co-construction de la communauté d’apprentissage :

  • co-construire une référence : des minutes
  • co-construire un jeu de concepts : des heures
  • co-construire une micro-culture : des mois/années

Intérêt pédagogique

Par des processus d’interactions ou expérimentaux, nous voyons que lorsqu’il y a « communauté » il y a nécessairement apprentissage. Les conditions du partage et de l’acquisition des savoirs sont au cœur du processus de construction des communautés (de manière formelle ou informelle) et sont organisées le plus souvent de manière collaborative.

Néanmoins, le fait de se sentir membre d’une communauté et de décider d’apprendre de façon collaborative apparait comme un engagement individuel. Les institutions peuvent ainsi favoriser et faciliter la mise en place des conditions nécessaires à l’émergence des communautés (culture, ressources, langage commun, outils technologiques etc…), mais ne peuvent pas décréter leur création.

Pour aller plus loin

Cohendet, Patrick, Frédéric Créplet, et Olivier Dupouët. 2003. « Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux ». Revue française de gestion no 146 (5): 99‑121.

« Communauté d’apprentissage ». 2018. Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Communaut%C3%A9_d%27apprentissage&oldid=145069832.

Cristol, Denis. 2017. « Les communautés d’apprentissage : apprendre ensemble, Learning Communities: Learning Together ». Savoirs, no 43 (juin): 10‑55.