Chat GPT : Et si on l’utilisait pour apprendre Episode 3

Episode 3 : ChatGPT, des usages à accompagner pédagogiquement

A l’origine, cet épisode 3 n’était pas prévu. Le Living lab Sofa avait déjà produit un épisode 1 sur les opportunités d’usage de cet agent conversationnel, un épisode 2 montrant comment l’utiliser pour faire un jeu de rôle, et nous pensions en rester là. Et puis Xavier Aimé*, la source d’inspiration de ces articles, est revenu vers nous : « Je pense qu’un épisode 3 s’impose ! En effet, après la phase d’euphorie qui a entouré les différentes sorties de chatGPT, nous avons désormais presque six mois de recul sur la manière dont les élèves s’en sont emparés, et de nouveaux points de vigilance s’imposent…». Il n’en fallait pas davantage pour piquer la curiosité du Living Lab Sofa.

Xavier Aimé est Responsable du master MéDAS (Méga Données et Analyse Sociale) au Cnam des Pays de la Loire et chercheur en Intelligence Artificielle.

Living Lab Sofa : quels constats tirez-vous de l’usage de ChatGPT par les étudiants ?
Xavier Aimé : Premier constat, parmi les 150 étudiants ou stagiaires que j’ai en cours, 99% l’utilisent. Il est ancré dans les usages et s’est banalisé dans l’univers de la formation. Les formateurs aussi commencent à s’en saisir. De plus en plus de plateformes et de services qui utilisent ChatGPT en back end (en arrière-plan) pour faire des présentations, des quiz, des révisions… Qu’on le veuille ou non, il y a eu en quelques mois une popularisation et une banalisation très forte de l’IA générative en formation. Et toutes les tentatives pour la freiner ont échoué. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Open AI, l’entreprise ayant inventé ChatGPT, annonce la création de robots humanoïdes utilisant leur application, opérationnels d’ici la fin de l’année. ChatGTP aura bientôt un visage. C’est la série Réal Humans !

Living Lab Sofa : Comment les étudiants s’en sont-ils emparés ?
Xavier Aimé : ils ne s’en sont pas tous emparés de la même manière. J’ai constaté une fracture dans le mode d’utilisation. J’ai identifié deux tendances principales d’usage, avec des apprenants qui oscillent parfois entre les deux et pourraient basculer facilement vers l’une ou vers l’autre. Première catégorie, ceux qui vont se contenter de répondre au problème qui leur est donné en utilisant ChatGPT, sans chercher à comprendre ce qu’ils font. Ils visent principalement la note, et se préoccupent peu des apprentissages qu’ils peuvent faire à l’occasion de l’exercice. En termes de compétences, ils n’ont rien appris. S’ils passaient l’examen sans aucune aide, ils ne sauraient pas répondre. Deuxième catégorie, ceux qui vont chercher par eux-mêmes à résoudre le problème, et seulement ensuite confronter leur réponse à ChatGPT. Ils considèrent qu’il faut comprendre ce que l’on fait, et pourquoi leur réponse est meilleure, différente, moins bonne, de celle de l’intelligence artificielle. Dans ce cas ils apprennent, ils acquièrent des compétences et leur expertise est renfoncée avec ChatGPT.

Living Lab Sofa : pouvez-vous illustrer comment cette fracture se manifeste ?
Xavier Aimé : Récemment en cours, j’ai demandé à des étudiants de générer un programme de codage en python en leur fournissant des données d’entrée. Evidemment, la plupart se sont tournés vers ChatGPT qui leur a fait un codage en trois à quatre fois moins de temps que s’ils l’avaient fait eux-mêmes. Certains étudiants se sont arrêtés là, considérant que leur travail leur permettait d’avoir une note suffisante. D’autres sont allés tester le programme, l’ont lu en détail, et ont utilisé ChatGPT pour l’optimiser. Ils ont pu constater l’existence de deux erreurs dans la proposition. Ils ont recherché par eux-mêmes des solutions, puis ont confronté ces solutions à celles proposées par ChatGPT. Dans le premier cas, le seul apprentissage a été de bien poser la question. Dans ce second cas, l’apprentissage est complet, avec une réflexion critique sur la production de la machine.

Living Lab Sofa : quels enseignements en tirer pour l’accompagnement des apprenants ?
Xavier Aimé : peut-être faut-il revenir sur ce qu’est une formation et comment doivent se faire les apprentissages ? ChatGPT interroge la place prépondérante apportée au résultat, à la note, au diplôme dans notre système de formation. Ce dernier est tellement prépondérant dans notre culture, que pour certains étudiants, tous les moyens sont bons pour obtenir une bonne note. Le phénomène n’est pas nouveau, ChatGPT n’est qu’un amplificateur, un peu comme l’EPO** pour le cycliste (rires) ! Il permet de pédaler plus vite, parce que l’objectif, c’est de gagner. Et la beauté du paysage sur le chemin est secondaire… Mais on sait que les effets de l’EPO n’agissent qu’à court terme, voire sont dangereux. A l’inverse, celui qui va utiliser ChatGPT comme un coach, pour l’aider à apprendre des choses nouvelles, à connaître son environnement, à réfléchir à ce qu’il produit, celui-là peut devenir un sportif de haut niveau, capable de s’inscrire dans la durée. Autrement dit, il est important de rappeler qu’une formation est d’abord et avant tout une acquisition de compétences. Il existe des outils, encore faut-il savoir les utiliser à bon escient, sinon c’est du dopage.

Living Lab Sofa : Quelle est la posture d’un enseignant qui utilise ChatGPT en formation ?
Xavier Aimé : L’enseignant peut avoir un rôle d’éducation à l’usage de ChatGPT. D’abord en lui rappelant que l’étudiant est en formation pour apprendre, pour acquérir des compétences, et pas seulement obtenir une bonne note ou un diplôme. Ensuite en lui apprenant à bien s’en servir ! Il y a véritablement aujourd’hui un art de poser les questions qui constitue en soi une compétence (on parle de prompt ingeniering). Ensuite ce qui fera la différence, c’est d’apprendre à l’étudiant à développer son esprit critique sur les productions de la machine : les confronter à d’autres sources, identifier ses sources, les confronter aux données scientifiques et aux humains ! Si un apprenant n’est pas capable de distinguer une vraie réponse d’une fausse à un exercice, comment sera-t-il à même de distinguer une fake news d’une vraie nouvelle en tant que citoyen ? Tout cela suppose que l’enseignant doit lui-même acquérir cette compétence. D’ailleurs ChatGPT peut aussi l’aider à concevoir ses cours !

**L’EPO (érythropoïétine) est utilisée comme dopant par certains cyclistes pour améliorer leurs performances.

Pour en savoir plus sur ChatGpt, voici une conférence de Xavier AIME réalisée dans le cadre des vendredis de l’innovation organisée par le Pôle Innovation du Cnam Pays de la Loire.

Pour en savoir plus sur les prompts : 100+ Prompts pédagogique ChatGPT pour devenir un formateur à l’ère de l’intelligence artificielle.

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